Résumé :
L’analyse de la marocanisation permet de tester l’hypothèse du développement du capitalisme national dans les conditions de la dépendance. Cette hypothèse, en filigrane dans la loi de 1973, prend appui, dans le discours justifiant la loi, sur les principes de parachèvement de l’indépendance économique du pays », de « réduction de l’emprise étrangère», de promotion d’une classe d’entrepreneurs, de développement du capitalisme national, etc.
L’arsenal juridique, technique et financier mis au point pour soutenir l’opération présente des imperfections. Certaines de ces imperfections sont inhérentes au texte lui-même, d’autres à la législation sur les sociétés, au dispositif procédural, etc. Mais la difficulté majeure doit être recherchée, au-delà de la marocanisation, dans la nature périphérique du capitalisme au Maroc et son corollaire, l'emprise du capital international. La marocanisation d’une partie de ce capital ne tend pas, dans ces conditions, à réduire la dépendance mais à la renforcer à un moindre coût.
Trois perspectives ont été explorées avant d’aboutir à cette conclusion générale.
Tout d’abord, il a été montré, en référence à la «théorie du contrôle » relative à la grande entreprise, que la propriété juridique des capitaux demeure, quand bien même appartiendrait-elle en majorité aux Marocains, soumise au pouvoir économique réel détenu, dans son ensemble, par les étrangers (capitalistes, managers et technocrates). Ensuite, l’examen des stratégies adoptées en matière d’orientation industrielle (Plan 1973-1977 de promotion des exportations) et d’attraction des investissements étrangers (Code des investissements de 1973) a mis en évidence les incohérences que traduisent des choix cherchant à conjuguer marocanisation et introversion, d’un côté, multinationalisation et extraversion, de l’autre.
Enfin, l’approche en termes de classes sociales a permis d’appréhender les blocages du développement du capitalisme au Maroc en lien avec la nature comprador de la bourgeoisie dont la marocanisation n’a fait que renforcer, en dernière analyse, la dépendance vis-à-vis du capital international.